Petite fête à l’Ambassade de France hier soir à l’occasion de la journée internationale de la francophonie du 20 mars. Pour mettre en lumière cette langue qui me permet de tant voyager (physiquement ou mentalement) c’est à nouveau du « Petit Prince » de St Exupéry dont j’ai envie de vous parler. Où que je sois, j’aime mettre ce texte à l’honneur. Pour exercer la lecture à voix haute, nous sommes en train de le lire avec une classe de huitième. Nous en étions au chapitre IX hier. Comme il y a beaucoup d’élèves qui aiment dessiner, j’ai proposé à trois adolescentes de reproduire le texte au tableau pendant que d’autres le lisaient.
En les écoutant lire, je repensais à ce que j’ai entendu l’autre jour :
La structure de la langue c’est dans les consonnes. L’émotion de la langue c’est dans les voyelles.
Ah bon, voilà donc le mystère ! Alors écoutons la fin du chapitre :
Et elle montrait naïvement ses quatre épines. Puis elle ajouta :
« Ne traîne pas comme ça, c’est agaçant. Tu as décidé́ de partir. Va-t’en. » Car elle ne voulait pas qu’il la vît pleurer. C’était une fleur tellement orgueilleuse.
Si j’aime les mots, je suis restée bloquée au niveau de mes 7 ans pour mes talents de dessinatrice. C’est la raison pour laquelle je suis toujours fascinée par ceux qui savent reproduire la forme physique d’un mot avec une image. Pour fêter la francophonie je partage avec vous le résultat de nos trois artistes.
Tempête de neige ce matin… Et bien non, le printemps n’est pas encore au rendez-vous. Vu la chaleur du mois d’août, j’avais de la peine à les croire quand ils me disaient que l’hiver serait froid. Voir aussi souvent neiger dans cette capitale située à moins de 500 mètres d’altitude, c’est aussi une surprise, surtout parce qu’on est plus à la latitude d’Athènes que de celle de Genève…
Comme je n’ai pas toujours le nez plongé dans le calendrier, je n’avais pas vu que le 8 mars était un jour férié en Ouzbékistan. Agréable surprise de voir que l’on fête les femmes dans ce pays. Eh oui, on n’a pas gardé le 1er mai férié du régime soviétique, mais l’honneur aux femmes est resté.
Si beaucoup offrent des fleurs, la tradition n’est pas d’offrir un brin de mimosa. J’ai été gâtée hier et j’ai des réserves de chocolat, de thé ou de café pour jusqu’à la fin de mon séjour dans ce pays.
Pourquoi était-ce une surprise que l’on fête les femmes ici ? C’est parce que ce que je vois dans le système éducatif ouzbek n’est pas toujours en accord avec ce auquel je crois : la laïcité. Le sujet est délicat, mais je ne sais pas être autrement que sincère. Oui, cela me met mal à l’aise d’enseigner dans des classes où il y a des filles qui portent le hijab. Puisqu’avec l’ancien président de l’Ouzbékistan ce n’était pas autorisé, j’en déduis que c’est un choix délibéré du président actuel. C’est étonnant venant de quelqu’un qui prétend vouloir moderniser l’enseignement.
Ce matin en écoutant Iannis Roder parler de la laïcité sur « C à vous », j’ai mieux compris ma position. L’enseignant étayait ses propos avec la question qu’il pose à ses élèves :
– Quand tu arrives à l’école, pourquoi tu es croyant ou non croyant ? – Bein, c’est mes parents. – Très bien. Alors l’école va te proposer autre chose, et c’est à toi de te faire ta propre opinion. Tu vas te construire ta capacité à penser par toi-même, et profiter, ou pas, de la possibilité de l’émancipation. Il n’y a pas d’obligation. L’école de la république ne demande pas l’adhésion, elle propose.
Oui, l’école c’est un temps pour construire la citoyenneté, un temps pour apprendre à penser. Voilà pourquoi cela me dérange de voir une petite fille voilée dans une salle de classe car j’ai l’impression qu’on ne lui donne pas cette chance de penser par elle-même.
Quand le débat sur la laïcité a commencé, l’opposition ne venait pas du monde musulman mais des églises chrétiennes Alors en ce 8 mars, n’oublions pas que ce n’est pas la journée de la femme aujourd’hui mais la journée internationale des DROITS des FEMMES.
Je sais par mon âge le chemin parcouru par beaucoup pour défendre ces droits et c’est le bien le plus précieux : la liberté de penser. Le seul fait de savoir que dans un pays pas très lointain les filles n’ont plus accès à l’éducation devrait stimuler cette volonté de promouvoir une école laïque. Tout comme il ne faut pas oublier le combat d’une femme comme Narges Mahammadi, prix Nobel de la paix, cette Iranienne emprisonnée dans des conditions inhumaines qui lutte en faveurs des droits humains dans son pays.
Alors je réécoute la magnifique chanson de Grand Corps Malade : « Mesdames ». Puis je me dis qu’il faut y croire et apprendre à mieux expliquer ce qu’est la laïcité. Les professeurs sont là pour ouvrir des portes, mais les élèves doivent entrer par eux-mêmes.
Grande admiration pour le peuple russe au lendemain des funérailles d’Alexeï Navalny ! Bravo à tous ceux qui ont osé, à tous ceux qui n’ont pas eu peur, à tous ceux qui avaient peur mais pas assez peur pour rester chez eux. Bravo à tous ceux qui ont osé crier :
Tachkent est une ville en plein essor. Quand je rentre de l’école, je prends le bus comme de nombreux écoliers. Depuis l’arrêt du bus jusque chez moi, il y a moins d’un kilomètre. Je me suis amusée à photographier tous les chantiers d’immeubles en construction sur ce court trajet. N’est-ce pas là la preuve que la capitale est en pleine phase de modernisation ? J’espère que les ingénieurs trouveront des solutions pour ne pas que la ville s’asphyxie par cette explosion immobilière car mes yeux sont déjà bien agressés par la pollution ambiante.
L’évolution de la population risque encore d’accélérer au cours des prochaines années… Voici comment le nombre d’habitants à évoluer depuis 1897 :
Quand on regarde à droite ou à gauche et que le paysage est un peu noir de par les évènements sombres qui agitent le monde, heureusement il reste l’art !
Voici une habitude hebdomadaire qui me fait me sentir chanceuse, parce que je n’ai jamais eu les moyens financiers d’aller aussi souvent à l’opéra qu’ici. Ballet ou opéra, j’adore et cela met tellement de belles couleurs dans l’âme ces chefs d’œuvre du passé. Si j’aime raconter des histoires, j’apprécie tout autant qu’on m’en raconte en musique, en images ou par la danse. Certes, comme dans la vie il y a des méchants dans chaque œuvre, mais c’est toujours la beauté qui triomphe, même avec une fin tragique. Gisèle, la Bohème, la Dame aux camélias, le lac des cygnes, le conte des mille et une nuits… je remplis ma tête de cet espoir de beauté et souris à la vie parce que l’espoir donne les yeux brillants… Ainsi Puccini, Alexandre Dumas, Tchaïkovski, Shéhérazade et tant d’autres unissent leur voix dans cette mélodie de l’espoir et nous rappellent que le pouvoir est mortel mais l’art est immortel…
Je serai sincère avec vous, jusqu’à il y a peu, je n’avais aucune idée de qui étaient Missak Manouchian et son épouse Mélinée. Ce n’est que leur entrée au Panthéon qui a stimulé mes recherches pour mieux les connaître. Je ne sais pas comment décrire ce sentiment que suscite en moi cette ferveur autour de la panthéonisation. Il est vrai que je ne viens pas d’un pays où l’on vénère les Grands Hommes et encore moins les Grandes Dames… À part Guillaume Tell, je ne vois pas. Déjà qu’il est difficile pour beaucoup de savoir qui préside notre pays, vu que cela change chaque année.
Certes il est important de se souvenir, même si cela rappelle la cruauté des hommes. Pourtant je m’interroge, est-ce qu’il suffit d’un hommage national pour effacer la honte ? Parce que malheureusement les aujourd’hui d’hier perdurent. Si quelqu’un comme Alexeï Navalny résiste, on le condamne à mort. Ce qui change avec les Manouchian c’est qu’ils résistaient dans un pays qui n’étaient pas le leur. Orphelins de leurs parents comme de leur pays, ils étaient des survivants du génocide arménien. Ils se réfugièrent en France et ils n’acceptèrent pas ce que beaucoup de Français s’étaient résignés à accepter : l’Occupation. Mélinée et Missak voulaient une France libre et ils n’avaient pas peur de payer la liberté de leur vie.
Ce soir-là, Mélinée ne voulait pas que son mari y aille, mais Missak n’avait que ce moyen pour avertir ses 22 camarades du danger. Ils étaient tous étrangers. C’était le 21 février 1944 sur la colline du Mont Valérien. Ainsi la photo de Missak se retrouva sur l’affiche rouge avec celles de ses compagnons d’infortune. Cette tache de sang fut placardée sur les murs pour montrer le sort que l’on réservait à ceux qui osaient résister. On y dénonçait leurs crimes contre les occupants et le fait qu’ils étaient étrangers, juifs ou communistes.
La lettre d’adieu écrite par Missak à sa femme Mélinée est émouvante. Aragon en a fait un poème en 1955, mais c’est surtout la chanson de Léo Ferré, publiée en 1961, qui suscite en moi des émotions controversées. Pourquoi ? Parce que cette chanson a été interdite d’antenne pendant plus de vingt ans et je ne comprends pas qu’elle pouvait en être la raison. Ce n’est qu’en 1982 que François Mitterand mit fin au monopole que l’État exerçait sur la diffusion radiophonique.
Le 21 février 1944, 22 hommes furent fusillés sur le mont Valérien. Parmi eux il y avait une femme, une mère de famille, 22 fusillés, pas 23, parce que dans la loi seuls les hommes pouvaient être condamnés par les armes. Olga Bancic fut décapitée le 10 mai 1944 à l’âge de 32 ans.
Alors que signifie véritablement cette double entrée au Panthéon ? Une tentative pour effacer la honte ? Une promesse que cela n’arrivera plus ? Un geste d’espoir pour tous les immigrés ? Une manière d’affirmer que les condamnés d’aujourd’hui peuvent devenir les héros de demain ? Une nécessité de ne pas les oublier, eux et les 22 autres ? Un message pour montrer que seul le chemin de la liberté est une promesse de gloire ? La reconnaissance d’un grand homme et d’une grande femme ?
J’ai beau écouté en boucle la chanson de Ferré, je ne trouve pas la réponse… L’histoire c’est comme l’écriture, tout est question de point de vue.
Jeudi, elle y croyait très fort… 20° degrés… Le soleil brillait. Elle a tout éclaté afin d’enlever son manteau et montrer sa jolie robe jaune. Mais voilà que vendredi, la loi des saisons a chamboulé tous ses plans pour être à la fête. Ce matin, je l’ai vue frissonner et les flocons continuaient de tomber… Alors je l’ai photographiée pour partager son éclat au cas où sa robe printanière ne résiste pas à un tel frimas.
Comme beaucoup certainement, l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny a été un choc. Même si connaissant son tragique destin, il était difficile d’imaginer une autre issue. Mon admiration pour de tels hommes est grande, car il a payé son courage de sa vie pour défendre son amour de la liberté. Opposant politique à Vladimir Poutine, il est mort à 47 ans dans le pénitencier sibérien nommé « Loup polaire ». Qui d’autre que lui aurait eu l’inconscience de retourner se jeter dans la gueule du loup peu de temps après s’être remis de la tentative d’empoisonnement au Novitchok dont il a été victime en 2020 ? Il aurait très bien pu continuer son combat en Allemagne où il a été soigné. C’était mal le connaître. Lui qui s’était porté candidat à la présidentielle de 2018, il était convaincu que l’opposition devait combattre à l’intérieur du pays.
Cinq mois après son empoisonnement il retourna donc à Moscou et fut arrêté à son arrivée à l’aéroport en janvier 2021.
Il n’a jamais capitulé, il a mené son combat politique en renonçant à sa liberté physique pour conserver sa liberté d’esprit. Il voulait un état de droit et le respect de la démocratie. Il dénonçait la corruption. C’était un esprit critique, un homme charismatique dont le regard me faisait penser au James Bond interprété par Daniel Craig.
Ce matin j’ai essayé de mieux comprendre avec l’avalanche d’infos sur le sujet si cela pourrait changer quelque chose. La constatation que Navalny était plus populaire en Occident qu’en Russie (commentaire de nombreux journalistes) ne laisse pas supposer une grande évolution de ce climat d’oppression ou d’éventuelles révoltes à l’intérieur du pays. Pourtant j’aimerais tant que cette analyse pessimiste puisse être contrariée…
Y a-t-il un nouveau Navalny prêt à prendre de tels risques ? Navalny continuera-t-il de mener son combat même après sa mort ? Est-ce une lumière qui s’éteint ? Ou la flamme de sa lutte permettra-t-elle d’en allumer d’autres ?
Hommage à Robert Badinter ce week-end suite à sa disparition à presque 96 ans.
La synchronicité m’interpelle toujours quand elle fait de tel clin d’œil puisqu’il est parti 80 ans jour pour jour après la date où son père a été arrêté par la Gestapo à Lyon, le 9 février 1943. Les combats de ce grand humaniste étaient nombreux, mais ce dont tout le monde se souvient était celui qui a permis l’abolition de la peine de mort en France en 1981. J’ai été d’ailleurs impressionnée de le voir encore en parler en novembre à la « Grande Librairie ».
Augustin Trapenard, qui l’interviewait chez lui, a relu une partie du discours qu’il a prononcé le 17 septembre 1981 devant l’Assemblée Nationale.
« Ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort, méconnaissent la vérité humaine. »
L’animateur lui a ensuite demandé :
Qu’est-ce que c’est pour vous la vérité humaine ?
Robert Badinter a répondu :
L’homme est un animal qui tue.
Alors je n’ai pas pu m’empêcher de faire le tour des pays où j’ai vécu ces dernières années, en commençant par le mien, pour voir depuis quand la peine capitale n’existait plus… et constater que seul le Vietnam l’appliquait encore.
Je garde en tête cette phrase importante du grand homme :
La France n’est pas le pays des droits de l’homme c’est le pays de la déclaration des droits de l’homme. (Robert Badinter)