Comme je suis assez douée pour me perdre… la sagesse des années me fait apprécié les qualités d’un guide pour me lancer sur les chemins inconnus. Le nôtre était, comme on dit du côté de Kandersteg : FORMIDABLE. Je ne juge pas les qualités d’un guide par la précision avec laquelle il nous cite le nom de chaque sommet (que j’oublie un peu trop rapidement si je ne les escalade pas), mais par la passion qu’il a pour son métier. Nous n’avons jamais su pourquoi on l’avait surnommé Indra, l’histoire était trop longue à raconter a-t-il précisé. Le matin du 1er janvier, quand on lui a souhaité « Bonne Année ! », il a répondu : « Mais c’était hier la Nouvelle Année ! » Après lui avoir affirmé que non (il faut le comprendre, ici il y a la nouvelle année des Népalais en avril, des Newar en octobre, des Tibétains en février, et sûrement qu’ils fêtent aussi celle des Chinois et d’autres dont je ne suis pas encore au courant), il a dit : « Et bien mince alors, j’ai dit Bonne Année à tout le monde hier, il faudra que je reprenne mes vœux. » Non seulement il provoquait le rire à tout instant, mais il avait un don particulier pour nous faire apprécier des petits riens, comme s’ils représentaient le luxe d’un 5 étoiles, négociant par exemple avec la propriétaire des lieux avant de s’installer dans sa guesthouse : « Est-ce que vous faites le feu ce soir ? » Il faut dire que c’est particulier au Népal, malgré le froid de l’hiver, les maisons avec un fourneau à l’intérieur sont très rares. Alors comme la propriétaire a accepté de faire le feu dans le tonneau en fer tapissé de boue séchée, nous sommes restés. Et Indra a commandé les habituels pop-corn avec le thé avant de jouer au Nepali Gin Rami, un jeu de cartes qu’il nous a enseigné pour nous faire compter en népalais (et qu’il est peut-être le seul à connaître).