Hier, était une journée de grand trek, ma troisième sortie depuis le début du confinement, avec trois missions au programme.
09.10 Départ. Je vais chercher mon salaire du mois de mars. Je n’essaie même pas de démarrer le moteur de Scooty, cela me ferait trop mal de l’entendre sans pouvoir m’envoler avec lui. Sac au dos, lunettes à soleil sur le nez, je pars à pied. À chacune de mes sorties, il y a plus de mouvement dans les rues, mais la police et les militaires sont toujours là pour contrôler. La grille de l’Alliance est fermée et les chiens surveillent les locaux. Quand je réussis enfin à avertir le gardien, il vient m’ouvrir et m’invite à me laver les mains avec le gel hydro alcoolique. Une fois récupéré mon chèque, je profite de son amabilité pour me faire ouvrir la bibliothèque et me réapprovisionner en livres.
10.10 Arrivée devant la banque. Je suis la cinquième dans la file d’attente, mais il faut s’armer de patience… La file s’allonge très vite. Tout le monde est masqué et se tient à distance. L’homme situé en troisième position tousse beaucoup… il finit par enlever son masque pour reprendre son souffle…
10.45 Entrée dans la banque où le vigile m’invite à me laver les mains.
Quand c’est finalement mon tour, je me fais coiffer au poteau par un passe-droit surgit de nulle part.
10.55 Sortie de la banque
10.58 Arrivée devant mon supermarché préféré (qui me rappelle la petite Coop de Solduno où je connaissais l’emplacement de chaque article) – Le vigile pointe son pistolet sur mon front. Aucun danger, il n’est pas chargé, simple contrôle pour s’assurer que je n’ai pas de température. Tout ok ! Il me fait signe que je peux passer. Son collègue m’asperge les mains de son produit orange (qui ressemble toujours au liquide pour la vaisselle), puis me fait signe en m’invitant à prendre place au centre de la case numéro 10 (il y en a 13 dessinées sur la place où habituellement les voitures sont stationnées). Je reste calme, même quand celui de la case 9 (alors que je suis sur la 2) passe devant tout le monde pour payer les trois paquets de macaroni qu’un vigile est allé lui chercher dans le magasin. Celui de la case 3 tente un scandale, stimulé par sa compagne (dans la case 4), mais la passivité avec laquelle on lui répond, me dit que cela ne sert à rien de vouloir déclarer une guerre. Sans avoir lancer le dé une seule fois, j’arrive pas à pas jusqu’à la case numéro 1.
11.23 Entrée dans le supermarché, où je m’empresse de faire mes courses en essayant de ne pas prendre plus que ce que peut contenir mon sac à dos.
11.30 Je retrouve la sympathique vendeuse dans sa minuscule boutique de fruits et légumes. Comme je l’avais promis, j’ai étudié, je lui énumère les noms népalais des produits dont j’ai besoin. Elle me remplit un gros sac de vitamines. J’en profite pour lui demander ses pronostics sur la durée probable de la fin du confinement… peut-être début mai…
Retour à pied avec mon lourd chargement. En chemin, je repense à cette demi-journée de trek. Heureusement que j’ai eu le sourire bienveillant du gardien et de la petite marchande de fruits et légumes pour éclairer le sentier de cette obscure situation de crise. Tout va bien, j’ai appliqué les gestes barrière… J’ai les mains propres…
12.00 Home sweet home.
À peine le temps de ramasser ma lessive et l’orage éclate.
Je m’installe à l’abri sur la terrasse avec un thé vert au jasmin et regarde tomber la pluie… Ouf !… c’est comme quand on arrive à la cabane juste avant le mauvais temps.