Me voici de retour dans ma demeure vietnamienne. Déjà assommée par la chaleur de ce lundi matin, j’essaie de me donner du courage en m’asseyant un instant pour vous raconter pourquoi je vous disais dans mon dernier message que la partie « bagages » est ce qui me déplaît le plus dans l’organisation du voyage.
Pourtant cette fois, je me sentais beaucoup plus sereine que lors de mon premier vol vers le Vietnam. La marge de temps était plus que réglementaire, je savais où j’allais, vers quoi je retournais.
Quand je suis arrivée au guichet d’enregistrement à l’aéroport, après une interminable file d’attente, c’est pour m’entendre dire que mon bagage à mains pesait 5 kilos de trop. Eh oui, je ramenais quelques livres… Que faire de cet excédent ? Le basculer dans la grosse valise ? Spectacle garanti pour tous ceux qui s’ennuient dans la file d’attente. Courage, le public ne me fait plus peur.
Alors je déscotche la grosse valise que j’avais déjà eu des difficultés à fermer. La dame du guichet m’autorise à faire la navette vers elle pour peser jusqu’à ce que j’aie les cinq kilos excédentaires entre les mains. Eh non un livre de cette chère Comtesse ne pèse pas un kilo, ce qui aurait été trop pratique vu que j’en avais cinq. J’ai beau être d’une nature exagérément optimiste, je vois bien qu’il faudrait un miracle pour réussir à tout caler dans la grosse valise, mais j’essaie quand même. En transpirant de grosses gouttes de stress, je me dis que cette règle est nouvelle, je ne me souviens pas qu’on ait pesé mon bagage à mains.
Si vous avez déjà voyagé, vous connaissez tous ce moment où on pose un genou sur la valise, puis le corps tout entier, pour tenter de relier deux moitiés que l’on voudrait tant voir réunies. Se sentir observé par une foule qui n’a rien d’autre à faire que d’attendre confirme l’expression « se donner en spectacle ». Pourtant je n’ai pas eu le temps de me relever pour voir si quelqu’un avait la délicatesse de m’applaudir.
Mes tentatives ont duré jusqu’au moment où la fermeture éclair s’est cassée. Inutile de tenter avec celle qui partait à l’autre extrémité, le temps pressait, l’optimisme était dans le brouillard, il fallait agir vite. C’est-à-dire trouver une autre valise ou m’asseoir sur celle-ci et pleurer.
Il n’y a pas de problème sans solution. La dame du guichet me confirme que « oui » je peux aller acheter une valise « non » je ne peux pas laisser mes bagages près du guichet. Alors départ avec ma valise béante, le sac plastique où j’ai remis les 5 kilos excédentaires, mon sac à mains et le bagage avion… Le temps presse.
Un aimable vendeur m’accueille avec le sourire en me disant qu’il voit où est mon problème. Je n’ai pas le choix, il ne vend que des valises de qualité, ça m’apprendra à avoir remis le problème à plus tard. Déjà lors de mon premier voyage vers le Vietnam, ma valise avait montré des signes de fatigue. C’est depuis là que j’ai pris l’habitude de la scotcher en me disant à chaque fois qu’il faudrait songer à la changer.
Ainsi j’achète la Rolls Royce des valises, rouge, on la verra mieux sur le tapis à l’arrivée. Je suis tellement stressée que je parle toutes les langues avec ce cher vendeur, allemand, anglais, italien, espagnol, il finit par me demander d’où je viens et me prouve qu’il parle aussi très bien le français. Ah la Suisse ! Quel paradis linguistique !
Quand j’ai fini de tout transvaser, il songe à me montrer où insérer le code, je n’ai pas le temps de le changer, j’essaierai de comprendre toute seule quand je serai arrivée.
L’heure tourne, il faut payer et retourner à l’enregistrement – « Oui » j’ai bien contrôlé que j’avais tout pris (même si pendant tout le voyage je me suis demandé si j’avais transvasé aussi la clé USB noir). Je retourne au guichet du check-in, c’est la première fois que je suis la dernière… Est-ce pour cela que je me suis retrouvée en business-class sur le vol Zurich-Doha ? Peut-être, à moins que la dame du guichet ait eu pitié de mon marathon de stress. Malgré cela c’est au jeune couple juste devant moi dans la file d’attente que je pensais, je ne sais pas où ils allaient mais la dame ne voulait pas les laisser partir parce qu’ils n’avaient pas fait le test PCR. J’espère que leur histoire a aussi bien fini que la mienne.
À peine arrivée, je veux débarrasser ma nouvelle Rolls de son contenu. Si le vendeur m’a expliqué comment faire pour changer le code, il ne m’a pas montré comment l’ouvrir. Mince – je n’arrive pas à comprendre comment ça marche ! C’est vraiment trop bête, ça me rappelle mon arrivée au Népal, quand j’avais fini par devoir faire sauter la serrure pour un autre problème (dont je n’étais pas responsable cette fois-là).
On se calme. On s’occupe d’autre chose. Si jamais j’appellerai ma joyeuse voisine du Népal, je suis sûre qu’elle aussi a une de ces Rolls, tant pis si elle se moque un peu de moi.
Et la magie opère… Je comprends. La valise s’ouvre.
À la fin tout finit toujours par s’arranger. Et c’est la fin de l’histoire de la valise rouge… Heureusement, car il va falloir recommencer à se concentrer pour renfiler mon tablier de prof de français.
