Dimanche dernier, j’ai fait une promesse. J’étais dans une petite chapelle à Alajuela, une charmante ville à 20 kilomètres de San José, plus tranquille et plus campagnarde que la capitale. Il y a actuellement le festival « Alajuela, Ciudad Palabra », les mots y sont à l’honneur, c’est le festival des contes… Et à voir l’étincelle de joie dans les yeux de ceux qui les contaient, on comprenait combien le public leur avait manqué pendant ces longs mois d’enfermement.
Alors pourquoi me demanderez-vous ai-je fait une promesse ? Ce soir-là il y avait au programme une conteuse péruvienne au charisme envoûtant. À peine apparaissait-elle devant moi, vêtue de turquoise, des longues boucles de la même couleur pendues à ses oreilles, des cheveux tressés, je m’envolais dans son monde. Rien qu’en la regardant, je partais en voyage et revoyais les splendeurs du Pérou. De sa présence s’échappait une lumière qui irradiait toute la salle. Ma promesse ? Oui, j’y arrive. Après avoir chauffé son public pour s’assurer que nous étions bien présents et à l’écoute, elle nous a demandé de lever la main droite. Déjà conquis par la conteuse, nous avons tous obéi sans hésiter. Puis elle nous a invités à répéter après elle :
- Je promets d’écouter des contes, (tout le public a répété)
de lire des contes, (…)
de raconter des contes, (…)
d’écrire des contes. (…)
Ce serment ne pouvait pas mieux me convenir, moi qui adore les histoires. Je venais de visiter le musée de la ville (voir la photo ci-dessous prise depuis le toit). Le bâtiment, qui était autrefois une prison, m’avait permis de découvrir l’histoire de Juan Santamaria, le Guillaume Tell costaricien, alors pourquoi ne pas vous parler de ce héros national ?
Le personnage est né en 1831 dans la ville d’Alajuela, d’une mère pauvre et célibataire. En 1855 l’aventurier, flibustier et mercenaire américain William Walker se mit en tête de conquérir l’Amérique centrale dans le but de créer un empire personnel et esclavagiste. Alerté par ce qui se passait chez les voisins du Nicaragua, le président du Costa Rica (pays indépendant depuis 1821) appela la population à prendre les armes et à marcher sur le Nicaragua pour lutter contre l’envahisseur étranger. Le jeune Santamaria s’engagea alors dans l’armée en tant que tambour. Les soldats le surnommaient « le hérisson » à cause de ses cheveux en brosse.
Au printemps 1856, après avoir croisé un contingent de soldats de Walker dans la province de Guanacaste, les troupes costariciennes continuèrent leur marche vers le nord, déterminées à ne pas se laisser envahir. Le 11 avril, les combats furent féroces dans la ville de Rivas au Nicaragua, mais les Costariciens ne parvinrent pas à déloger les hommes de Walker qui s’étaient réfugiés dans une auberge d’où ils avaient une position dominante. Le général suggéra alors qu’un soldat courageux s’approche de l’auberge pour y mettre le feu. Plusieurs soldats tentèrent de réaliser cette mission mais moururent avant de parvenir à leur but. Finalement, Santamaria se porta volontaire, à condition que s’il meurt d’autres soldats prennent soin de sa mère. Avec sa torche, il parvint à mettre le feu à l’auberge, mais il fut aussitôt blessé par le feu ennemi et mourut peu après à l’âge de 24 ans. Son acte de bravoure contribua ce jour-là à la victoire de Rivas.
Le 11 avril est aujourd’hui un jour férié au Costa Rica. Le héros national possède sa statue sur la place centrale d’Alajuela et l’aéroport international porte le nom de Juan-Santamariá de San José.
L’histoire pourrait s’arrêter là, sauf qu’en sortant du musée, mon aimable guide me dit que certains ont des doutes sur la véracité du récit. Même si on a retrouvé des documents qui attestent de la rente de guerre versée à la mère de Santamaria, ils affirment que des politiciens se sont emparés de ce symbole pour défendre leurs idées nationalistes. Imaginez un peu, c’est comme si on remettait en doute la véritable existence de notre Guillaume Tell !
Alors ? Histoire ou légende ? À vous de choisir !
