Une température enfin plus fraîche m’a lancée ce matin dans un nouveau jeu de pistes sans une goutte de sueur. Cela m’a permis de voir que les Vietnamiens ont aussi des grosses doudounes dans leur garde-robe.
Le lac Hào Nam a perdu de sa grandeur si j’en crois les commentaires trouvés sur le net et il est peut-être condamné à disparaître si l’on continue à y déverser les déchets pour de nouvelles constructions.
En contemplant les deux fleurs d’hibiscus écloses ce matin sur ma terrasse, je comprends ma tristesse d’hier. Je suis allée visiter le jardin botanique de la ville. Si j’y ai vu de nombreux arbres avec leur nom écrit en vietnamien, aucun ne m’a paru extraordinaire, mais c’est surtout l’absence de fleurs qui a rendu mon humeur maussade. Certes ce n’est pas bien de comparer, chaque lieu a sa spécificité, mais j’avais en tête l’éclatant souvenir du jardin botanique de Lankaster près de San José au Costa Rica et l’espoir d’y voir quelques orchidées. J’en déduis qu’un jardin botanique sans fleurs ne devrait pas porter ce nom-là.
Vu que je n’ai pas trouvé leur nom, j’ajoute les deux petits lacs à ma collection comme les numéros 25 (avec une fleur) et 26.
Hô Tai Trâu ressemble plus à une rivière qu’à un lac tant il est allongé et étroit. Je n’y ai trouvé aucun banc où laisser flâner une humeur poétique. De plus, il n’a pas été facile à dénicher tellement il est coincé entre les habitations. Ce n’est que quand j’ai vu passer un homme avec une canne à pêche sur l’épaule que j’ai su que je marchais dans la bonne direction. Eh oui, aussi petits que soient les lacs, la pêche est une passion dans cette bruyante capitale. Pourtant je vous assure que cela ne me donne pas autant envie de manger des filets de perche que quand je me promène au bord du Léman ou du lac de Neuchâtel, parce que la clarté des eaux n’y invite guère.
– Ce n’est pas grave de pleurer au bord d’un lac, c’est mieux que dans le désert.
Au moment où elle lui dit cette phrase, elle ne comprit pas d’où venait cette idée. Elle chercha à se justifier en ajoutant que le lac avait assez d’eau, un peu de plus ne gênerait pas ; tandis que dans le désert le sel des larmes assécherait encore plus la terre aride. Elle s’empêtrait dans ses mots, elle les aurait voulus consolateurs, plein de compassion, alors elle ne sut plus quoi dire… Et le lac Giang Vô resta dans sa mémoire comme le lac du jus de mangue. Elle eut envie de parler du symbole de ce fruit : l’amour et la fertilité, mais elle préféra y penser très fort et le lui souhaiter.
En regardant l’immeuble, j’imaginais des locataires aquatiques. Je me demandais s’ils étaient des habitants du passé. J’attendais leurs histoires… J’écoutais les murmures des fonds de ce lac aux eaux troubles. Ils éveillaient en moi l’envie de raconter. Et j’espérais me souvenir de la naissance de ce projet au bord du lac Nghīa Tân.
Dans cette capitale, il ne faut pas forcément se fier au nombre de touristes pour juger de l’intérêt d’un site. C’est ma curiosité pour les lacs qui m’amène dans des lieux improbables. C’est grâce aussi à mon copain Maps.me qui me permet d’oser me lancer dans des labyrinthes de rues où seuls quelques véhicules à deux roues réussissent à se faufiler.
Ainsi je suis tombée par hasard sur le tout petit lac Ngoc Ha, au cœur d’un des plus vieux quartiers de la capitale. Tout semblait presque endormi autour de ce plan d’eau. J’ai fait le tour du lac en visitant l’extérieur du charmant temple bouddhiste Dinh Ngoc Ha avant de méditer un instant sur l’un des nombreux bancs. Quel calme ! On arrive même à oublier les obsédants coups de klaxon de la grande ville.
Peut-être que certains se souviennent du lac numéro 13, sur lequel je racontais que j’étais à la recherche de l’épave du bombardier tombé en 1972 pendant la guerre du Vietnam.
Mon obsession pour les lacs commence à se savoir. Ainsi une de mes collègues (à qui j’avais confié ma déception de ne pas avoir vu l’épave puisqu’ils l’avaient sortie du lac pour restauration) m’a montré la photo qu’elle avait prise pour me convaincre qu’elle existait bien.
Alors, je suis retournée dans la zone du lac Hûu Tiêp et effectivement je m’étais trompée de lac. L’épave était visible dans le petit lac qui porte le nom de B52, nom de l’avion américain. J’y ai trouvé ce monsieur occupé à nettoyer les eaux vertes qui l’entourent. Par contre si on ne sait pas ce que c’est, il est vrai qu’il aurait été difficile de reconnaître la forme d’un avion.
Ici les petites robes d’été sont encore d’actualité mais ces jours il faut bien calculer pour passer entre les gouttes des grosses averses.
Une de mes collègues m’a demandé pourquoi j’étais tant attirée par les lacs – « Est-ce parce que tu es Suisse ? » C’est vrai, me suis-je dit en arrivant en avion sur la Suisse, que le jour où je pourrais à nouveau élire domicile chez les Helvètes, ce pourrait être une jolie collection. Une chose est sûre, il faudra plus de temps pour en faire le tour.
Le lac Thành Công est très paisible puisque la promenade qui l’encercle (à peine un kilomètre) n’est pas autorisée aux moteurs. C’est aussi un parc, le parc Indira Gandhi. Alors c’est un songeant à cette grande dame, symbole pour moi de grand courage, que je recharge les batteries avant de retourner dans le chaos urbain.
Allez, on ne tombe pas dans le piège du lundi ! Oui, je le savais que ce serait difficile de reprendre le rythme après ce beau séjour dans mon paisible pays pour autant de festivités. Les projecteurs se sont éteints, je vais laisser cette Chère Comtesse voler de ses propres ailes, en espérant qu’elle ne retombe pas trop vite dans l’ombre de l’oubli, et je me lance un nouveau défi à la conquête des lacs d’Hanoï.
Le numéro dix-huit, le lac Dông Da me laisse cette impression habituelle d’y être déjà venue tant son environnement ressemble aux autres.
Pourtant, en y regardant de plus près, il a quelque chose de spécial, ce grand pont qui le traverse… Et quelle surprise, je vois enfin que le métro existe réellement dans cette ville. À force d’en entendre parler sans jamais apercevoir le moindre wagon sur la ligne aérienne, je n’y croyais pas vraiment. Il n’y a pour l’instant qu’une ligne et de nombreux projets en cours. Les travaux ont débuté en 2021 et devraient se terminer à l’horizon 2030… mais pour l’instant je n’ai encore personne rencontré qui se déplace en métro.
C’est lundi, j’ai congé. Je promène mon doigt sur la carte à la recherche d’un nouveau lac… Et c’est vers le lac Yên Só que je pars en exploration avec mon aimable voisine. On décrit le parc qui l’entoure comme le poumon de la ville. Comme tout le monde travaille, c’est vraiment paisible et agréable de se retrouver en pleine nature pour oublier quelques heures le chaos hanoïen.