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Un repas pas comme les autres

Le repas est servi à 19 heures dans le bâtiment blanc, mais comme je ne sais pas où aller, je repère un couple d’Occidentaux et les suis. Le premier réflexe serait de prendre une photo, mais heureusement ici aussi c’est interdit. La scène qui s’offre à mes yeux est spectaculaire et, je vous l’avoue, un peu flippante. Comme dans le monastère, nous avons dû enlever nos chaussures (cette fois j’avais prévu et enfilé des chaussettes dans mes sandales car dès que la nuit tombe la fraîcheur s’installe). Il doit y avoir plus de deux cents moines dans cette grande salle, alignés par douzaine à leur pupitre. La dizaine de visiteurs que nous sommes s’asseyent  également en tailleur derrière des pupitres identiques sur le côté. Le regard droit, j’observe les moines, tous vêtus de leur robe rouge bordeaux. Certains sont encore de jeunes enfants (il y a une école pour les moines dans le monastère qui compte plus de 70 élèves, de la 1ère à la 9ème année, et 12 enseignants, qui sont tous des moines). Ils récitent quelques mantras, créant un brouhaha impressionnant dans cette salle à manger qui ne ressemble à aucun lieu que j’ai connu. Pendant ce temps, on nous distribue une assiette en métal. Deux moines passent avec un gros panier chargé de pains qui n’ont pas l’air complètement cuits, un autre les suit avec un bidon en fer et nous sert une louche de pommes de terre avec des légumes. Je suis rassurée quand je vois arriver une cuiller, car j’avais peur de devoir manger avec les doigts (c’est plutôt liquide). Quand on voit les moines (habitués au rituel) avaler la première bouchée, on peut manger. Je retrouve avec plaisir le goût de coriandre qui me rappelle les sapeurs culinaires de la  Colombie. C’est délicieux… Je mange lentement pour être occupée le plus longtemps possible.

Namobuddha Monastery School

Namobudda

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Samedi 26 octobre

Samedi 26 octobre – Kag Tihar – vénère les corbeaux, les messagers de la mort informateurs de Yama – on leur offre du riz

Guest House du Monastère de Namobuddha : Assise sur un vieux banc à la peinture blanche écaillée, je contemple le panorama depuis la terrasse. Un corbeau croasse, un autre lui répond. Savent-ils qu’on les célèbre aujourd’hui ? Une chèvre bêle, un coq chante, un bruit de moteur en contrebas sur la route cabossée et poussiéreuse. Le soleil caresse encore les sommets enneigés, le soir tombe…

Ça y est Scooty m’a amenée à destination… j’avais pris une bonne marge de temps, pour avoir le temps de me perdre (ce qui n’a pas manqué) car il faut parfois se perdre pour mieux se retrouver. Le dernier bout de route était plutôt sportif et les ornières profondes (presque à me faire regretter la Yamaha enduro de ma jeunesse), mais j’y suis arrivée.

Cela semble irréel d’être dans un tel calme à moins de quarante kilomètres de chez moi (Ok j’en ai fait un peu plus, mais Google Maps disait 37,5 km depuis la maison).

Je viens d’assister à la prière de l’après-midi au monastère. Les visiteurs ont le droit de s’asseoir sur les côtés et de participer à la cérémonie. Observer et écouter tous ces moines, assis en tailleur devant leur pupitre coloré, me plonge dans l’atmosphère du bouddhisme tibétain. Ils prient, ils chantent, ils boivent, ils mangent, ils parlent, ils font danser leur main, et… surprise… on nous offre aussi du gâteau. Les longues trompettes ont plus le son des sirènes que de la mélodie de Jean-Claude Borelly, les immenses gongs font vibrer ma cage thoracique, les cymbales rythment la prière et une petite clochette semble annoncer l’étape successive. Étourdie par cette immense pièce dont la couleur dominante est le rouge, ainsi que par le brouhaha de leur rituel, je regarde et écoute ébahie…

Si vous voulez voir, il vous faudra y aller car les photos sont interdites dans ce lieu sacré… et je trouve que cela devrait être partout ainsi.

Avant de vous en montrer plus, voici un autre moment magique… un lever de soleil sur Namobuddha.

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Bientôt le festival de Tihar

Octobre est le mois des célébrations au Népal. On se prépare à nouveau pour quelques jours de congé à l’occasion de Tihar (appelé aussi Diwali), le festival des lumières et de la couleur. Ici, j’ai souvent l’impression d’apprendre tout autant que les étudiants, car chaque fête apporte son lot de surprises, que ce soit dans la rue, à l’école où là où j’habite. Aujourd’hui, comme l’école sera fermée trois jours, on a organisé une compétition aux teintes éclatantes. Chaque groupe devait créer des tableaux avec de la poudre de couleur. Bien sûr les étudiants étaient ravis de louper quelques cours (moi, je finis pas m’y habituer et par y prendre goût) et d’assister aux danses ou aux chants.

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Festival de Tihar

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Le plus beau voyage

Voilà une semaine que j’ai reconquis ma LIBERTÉ, oui c’est vrai, LE PLUS BEAU VOYAGE EST DE SE PROUVER SA LIBERTÉ. Je vous avais confié dimanche dernier avoir finalement acheté un SCOOTER, grâce à l’énergie retrouvée suite à quelques jours de vacances en dehors de la jungle urbaine. Après presque trois mois dans ce pays, j’avoue qu’il est difficile de revenir en arrière quand on est habitué à l’indépendance. En arrivant au Népal, j’avais l’envie de ne pas contribuer à la pollution, déjà assez grave, de cette grande ville. Voyant que les déplacements avec les transports publics s’avéraient compliqués et très fatigants, deux solutions s’offraient à mon esprit d’Européenne : acheter un scooter ou un vélo électrique. Cependant, ma conscience écologique s’est essoufflée suite à de longues et épuisantes recherches. En effet, après avoir vu que se déplacer à bicyclette dans une ville où la petite reine n’avait pas son royaume, j’ai compris que c’était un projet suicidaire. J’ai alors tenté de m’orienter vers quelque chose de plus motorisé. Là non plus, je n’ai trouvé personne pour me convaincre que le concept du moteur électrique était réalisable dans une ville où les bornes de rechargement n’existaient pas. Apprenant que la seule personne (ancienne prof à l’Alliance) ayant tenté l’expérience avait dû aller jusqu’en Inde pour réparer son scooter électrique et qu’au retour il ne fonctionnait toujours pas, j’ai là aussi déchanté. Le chemin était solitaire, long, semé d’embûches, de découragement et de résignation, mais j’y suis arrivée. C’était le prix à payer pour la conquête de la liberté. Pendant ce temps, j’acquerrais l’expérience du trafic, et comme l’on marche souvent au milieu des motos, cela me donne plus d’assurance. Moi, passionnée de motos il n’y a pas si longtemps, j’ai choisi le scooter pour ne pas mettre la barre trop haut dans ce chaos urbain, car sur la route il y a des fous, des piétons, des vaches, des chiens et pas d’info trafic pour annoncer quand quelqu’un roule à contresens… Seul point négatif : je n’ai plus la joie d’être félicitée par mon téléphone portable pour les 10’000 pas parcourus.

Baktapur3

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Kathina Dan

Intriguée par un long cortège (majoritairement de femmes) défilant ce matin dans la rue devant chez moi, j’ai demandé à mon propriétaire (toujours bienveillant face à ma curiosité) ce qu’elles célébraient. Voici son explication :

Les moines bouddhistes observent chaque année une retraite pendant la saison des pluies, tradition qui se poursuit depuis 2500 ans…le temps du Bouddha Shakyamuni… Quand les trois mois arrivent à leur fin (aujourd’hui), les disciples laïcs montrent leur gratitude aux moines, offrent des robes, font des dons pour le temple…

Voilà pourquoi les gens marchaient ce matin (les femmes portant devant elles des offrandes) vers le temple bouddhiste voisin, pour Kathina Dan.

Kathina Dan

18.10

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Empowering women of Nepal

Le voyage est toujours synonyme de rencontre. Si j’ai rencontré des personnes avec qui échanger quelques instants sympathiques, à Pokhara, j’allais à la rencontre de Lucky, une femme dont je vous avais déjà parlé à l’occasion de la fête nationale suisse (voir publication du 6 août). Lucky est l’aînée des trois sœurs qui gèrent la compagnie 3 Sisters : une agence de trekking (fondée en 1994) spécialisée dans les treks pour les femmes et par les femmes, la Guest-house 3 Sisters (simple, propre et située près du lac) ainsi que la formation des guides et des assistantes (dont est responsable Lucky). J’ai eu l’honneur de partager la table de cette grande famille, une véritable fourmilière géante (les trois sœurs, les trois frères et toute la grande famille), où chacun a sa tâche en fonction de son talent personnel. Puis Lucky m’a fait visiter les bâtiments où sont formées les futures guides et assistantes, m’expliquant le système d’apprentissage qui ressemble à notre système suisse. Les jeunes filles, qui viennent de familles pauvres dans des villages où elles ont souvent eu très peu accès à l’éducation, suivent différents cours de formation qui les prépareront à leur futur métier. Les cours sont variés : anglais (donné par des bénévoles anglophones en voyage qui consacrent un peu de leur temps libre à l’enseignement), nouvelles technologies, sport, religion, leadership, prévention contre les agressions, premiers secours, etc… La formation est gratuite. Après un mois de cours intensif elles peuvent partir en montagne accompagner des groupes et recevoir un salaire, tout en acquérant de l’expérience. Elles savent que le poids sur leurs épaules est limité (contrairement à leurs collègues masculins qui travaillent pour d’autres compagnies). On ne les appelle pas porteuse, mais assistante car elles ne sont pas là seulement pour porter. Chaque femme apprend à son propre rythme. Le programme dure six mois, alternant pratique et théorie, qu’elles suivront une ou plusieurs fois en fonction de leurs propres capacités, jusqu’à ce qu’elles aient acquis les compétences nécessaires pour devenir une guide qualifiée.

Lucky m’a expliqué qu’elles avaient eu l’idée de créer cette agence de trek, spécialisée dans les treks pour les femmes faits par les femmes, après avoir entendu les plaintes de femmes logées dans leur Guest-house qui avaient subi une agression durant un trek. Lucky a été invitée dans de nombreux pays pour parler de leur projet (elle me raconte un voyage au Pérou et ramène à ma mémoire le trek fantastique sur le chemin de l’Inca).

Je vous dirais honnêtement que je ne suis pas allée voir ce que font les autres agences, mais si vous rêvez de partir en trek au Népal, sachez que vous aiderez des femmes népalaises à améliorer leur statut social en choisissant 3 Sisters. Vous participerez aussi à la réussite de leur slogan : Changing the world, one woman at a time.

Ah j’oubliais, les hommes sont naturellement les bienvenus dans la Guest-house ou sur les treks.

3 SISTERS

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Mission impossible ?

Et si nous parlions ce matin de batterie ? C’est en mettant recharger mon téléphone ce matin que j’y ai pensé. Finalement nous sommes pareils à ces petits jouets électroniques, nous avons nous aussi besoin de recharger les batteries, et plus l’appareil est vieux plus les batteries se déchargent rapidement… Moi, je recharge les batteries dans la nature et les doses sont plutôt rares dans cette grande ville. Voilà pourquoi cette semaine de vacances à Pokhara m’a fait un bien fou. Même en me fatiguant sur les sentiers des alentours, un air plus sain a aéré mes poumons. Si les montagnes étaient encore très pudiques et refusaient souvent de se dénuder de leur voile de nuages, il y avait le lac où laisser voguer mes pensées.

Les célébrations de Dashain se sont terminées hier avec la pleine lune. En bas de chez nous, comme à chaque pleine lune, ils ont allumé des bougies autour du stupa (voir publication du 15 août).

L’énergie accumulée dans mes batteries pendant cette petite escapade m’a permis de réaliser une mission que je considérais dès lors impossible : ACHETER UN SCOOTER. Je l’ai pris rouge, comme le casque et les sandales, me souvenant de mon patron au Canada qui n’achetait que des voitures rouges, disant que statistiquement elles étaient moins souvent impliquées dans des accidents (parce que j’aime le rouge et que le conseil a sa valeur dans le chaos urbain). En regardant brûler les bougies autour du stupa, j’ai offert un verre de rouge à mes sympathiques voisins pour fêter la réussite de cette longue mission et célébrer l’anniversaire de l’un d’eux (plutôt satisfait de ne pas avoir toute la lumière braquée sur son vingt-neuvième anniversaire).

Pokhara

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Retour triomphal…

Me voici de retour dans la grande capitale avec dans le regard plein d’images de là-bas. Commençons par la fin puisque mon retour a été triomphal. Quoiqu’au début, ignorant tout des actualités, je craignais un peu ce qui s’était passé pendant mon absence, voyant depuis la fenêtre du bus une haie de policiers sur les deux côtés de la route (placés tous les dix mètres) et des soldats armés comme dans les cas de crise grave. Le chauffeur du bus a stoppé bien avant d’être arrivé à destination, disant qu’il n’avait pas l’autorisation d’entrer dans le centre à cette heure-là. J’ai suivi le flot des passagers qui se déversaient sur la chaussée en pensant que c’était parce que nous étions passablement en retard suite aux embouteillages sur le chemin du retour. Une horde de chauffeurs de taxi nous attendait en reniflant à plein nez l’odeur des dollars qui émanait de ce bus plein de touristes (eh oui je l’avoue j’ai choisi de me joindre à cette catégorie pour plus de confort). L’esprit plein de fatigue, j’ai négocié dur le prix (avec trois chauffeurs), toujours trop haut au final, mais tout de même la moitié de ce qu’il voulait au départ. Grâce au peu d’anglais qu’il parlait, j’ai compris pourquoi un tel processus de sécurité avait été mis en place : le président chinois Xi Jinping arrivait à Katmandou pour une visite d’État au Népal. Il m’a montré les nombreux portraits du dirigeant chinois et de la présidente népalaise, Bidya Devi Bhandari, et toutes les banderoles de bienvenue. Si j’écrivais au début que mon retour avait été triomphal, c’est parce que le taxi a suivi le même itinéraire que devait prendre plus tard le convoi de la délégation. La route était quasi déserte, seuls quelques taxis ou motos, mais sur les deux côtés de la route beaucoup de monde attendait brandissant les drapeaux des deux pays. J’aurais pu ouvrir la fenêtre et faire le petit geste de la main, comme la reine d’Angleterre… mais je n’ai jamais trop aimé attirer les regards de la foule… Finalement, j’ai été soulagée quand il a enfin pu s’enfiler dans une petite rue parallèle pour me ramener vers chez moi.

S’il y avait autant d’embouteillages sur la route qui me ramenait de Pokhara c’est parce qu’il semblerait que les festivités de Dashain touchent à leur fin (je dis semblerait, car j’ai de la peine à trouver quand ça commence et quand ça finit exactement) et que chacun va devoir se remettre au travail. En attendant, j’en ai vu beaucoup de ces grandes balançoires en bambou, une belle tradition pour les enfants, mais qui amusent tout autant les adultes.

Les balançoires de Dashain

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J’ai cueilli cette fleur…

J’ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline.
(…)

Moi, j’ai dit : Pauvre fleur, du haut de cette cime, 
Tu devais t’en aller dans cet immense abîme
Où l’algue et le nuage et les voiles s’en vont.
Va mourir sur un cœur, abîme plus profond.
Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
Le ciel, qui te créa pour t’effeuiller dans l’onde,
Te fit pour l’océan, je te donne à l’amour.
(…)

Victor Hugo, Les Contemplations

Fleurs